
Anne Marie Linard, une cathédrale en héritage
Au détour de routes buissonnières et vallonnées reliant La Borne, capitale de la céramique à Sancerre, capitale du Sauvignon Blanc, on peut avoir la chance de découvrir au beau milieu de la forêt une œuvre colossale qui ne manque pas d’interroger, la Cathédrale de Linard. Elle est l’œuvre d’un artiste, Jean Linard (décédé en 2010), qui tout au long de sa vie n’aura eu de cesse de bricoler, récupérer, casser, modeler, coller, cuire,… dans le but de créer. Découverte de cet artiste et de ce lieu au travers du regard d’Anne-Marie Linard, à ses côtés pendant près de 36 ans.
Une toile blanche entravée de ronces
C’est à partir de 1961 au lieu-dit « des Poteries », hameau jouxtant le village de Neuvy-Deux-Clochers, que Jean Linard, artiste infatigable et pluridisciplinaire (céramique, peinture, sculpture,…), décide de bâtir sa maison.
« Sur une ancienne carrière de silex envahie par une végétation inhospitalière, il va construire petit à petit et presque seul une demeure fièrement dominée par la tour « Rocard », qui pour l’anecdote a été faite de briques récupérées auprès du père de Michel Rocard ».
L’ensemble de la construction est dans cette veine, l’esprit de la récupération et de la transformation habite Jean Linard et cela deviendra la base de sa prochaine création qui prendra une ampleur conséquente, sa cathédrale.
La Cathédrale la plus haute du monde
Une fois la maison construite et affublée d’ateliers dédiés à sa production artistique, Jean Linard va laisser mûrir dans sa tête dès 1978 une idée un peu saugrenue :
« Il voulait bâtir sur le terrain une sorte de chapelle, un lieu lui permettant d’exprimer sa foi à travers des matériaux qui lui étaient familiers ».
Ce n’est qu’à partir de 1983 qu’il débuta son œuvre qui progressivement passera de « Chapelle » à « Eglise » pour finalement devenir une Cathédrale.
« La plus haute du monde, comme il aimait le dire car pour lui le toit était le ciel » poursuit Anne-Marie.
Sans plans ni desseins précis et inspirés par des lieux incarnés par des artistes comme le Palais idéal du Facteur Cheval, la Maison Picassiette ou encore la Sagrada Familia de Gaudi, il en résulte un endroit incroyable et indéfinissable haut en couleurs pouvant laisser d’innombrables impressions, émotions ou questionnements.
Un patrimoine accessible mais à l’avenir incertain
Très vite, cet endroit a suscité de la curiosité de la part de voisins ou des gens de passage et c’est ainsi qu’à partir des années 1990 le lieu fut ouvert à la visite.
Malheureusement, l’artiste décède en 2010 et laisse à sa femme et ses enfants un héritage extraordinaire mais difficile à porter. En effet, Jean, l’insatiable créateur et bâtisseur n’est plus et il est difficile pour son entourage d’assurer à la fois la vie et l’entretien du site. Ses proches ont étés contraints fin 2011 de mettre le lieu en vente.
Malgré tout, leurs efforts et la constitution d’une association « Autour de la Cathédrale de Jean Linard » permettent de maintenir l’espoir d’un avenir. Cela est renforcé par l’inscription aux Monuments Historiques obtenue en juillet 2012 et divers soutiens comme ceux de la DRAC, du Conseil Départemental ou encore du Ministère de la Culture qui soulignent l’intérêt de conserver un tel site.
« L’idéal serait que l’association parvienne à racheter le site pour envisager sereinement l’avenir et pourquoi pas continuer de le développer en y installant des résidences d’artistes par exemple ».
Citation de Jean Linard – Juin 1997 :
« Un siècle pour réaliser une cathédrale. Ayant 13 ans de construction, il me reste 87 ans pour finir. Dans 87 ans, quand vous viendrez visiter, vous aurez des ailes et moi des cannes… ou le contraire… »