
Balade historique sur les voies romaines du Berry
Le Berry gallo-romain était parcouru d’un large réseau de routes qui rayonnaient depuis Avaricum (Bourges) et Argentomagus (Saint-Marcel – 36), les deux principaux centres du territoire à l’époque. Aujourd’hui encore, il est possible d’en arpenter des tronçons pour une balade originale dans les pas de nos ancêtres gallo-romains.
En Berry, le patrimoine est partout et parfois même sous nos pieds. En effet, il vous est peut-être arrivé, en vous promenant sur un chemin de l’Indre ou du Cher, de vous retrouver sur une portion empierrée, aux pierres érodées témoignant d’un trafic important à une époque reculée. Il se pourrait bien alors que vous ayez emprunté sans le savoir une ancienne voie romaine.
De voies romaines, le Berry n’en manque pas en effet. « Elles ont été construites très tôt, au cours du Ier siècle de notre ère pour beaucoup d’entre elles, indique Gérard Coulon, historien et auteur de plusieurs ouvrages sur les voies romaines, dont l’un sur celles de l’Indre. La région était un carrefour de circulation important au cœur de la Gaule romaine et elle abritait plusieurs villes importantes ».
Travail de Romain
Avaricum, ainsi que s’appelait Bourges à l’époque, s’était alors relevée des cendres qu’y avait laissé César en 52 avant J.-C., en pleine Guerre des Gaules. Elle tenait le rang de capitale des Bituriges, les ancêtres gaulois des Berrichons dont le territoire correspondait peu ou prou au Berry d’aujourd’hui. Dans le sud de l’Indre, la cité d’Argentomagus – Saint-Marcel, près d’Argenton-sur-Creuse – constituait l’autre centre névralgique du territoire, avec notamment une forte activité métallurgique.
Les caves remplies d’amphores retrouvées à Mediolanum – l’actuel Châteaumeillant, dans le sud du Cher – attestent également de l’existence d’intenses échanges commerciaux.
Bien sûr, des routes existaient déjà du temps des Gaulois, mais les Romains y ont appliqué leur savoir-faire à grande échelle, dont témoigne l’expression « travail de Romain » encore régulièrement utilisée pour désigner des chantiers colossaux. Et effectivement, les Romains ne faisaient pas dans la demi-mesure quand il s’agissait de construire une route : « Elles comportaient une chaussée centrale de six mètres de large, empierrée et non pavée ou dallée, sur laquelle circulaient les chariots, explique Gérard Coulon. Sur le côté, il y avait des bordures en pierres, et des bas-côtés en sable et enherbés qu’empruntaient les cavaliers, le bétail et les piétons. Ces bas-côtés étaient eux-mêmes bordés par des fossés latéraux qui permettaient d’évacuer l’eau. L’ensemble pouvait mesurer entre vingt-cinq et trente mètres de large. C’étaient les autoroutes de l’époque. Aux abords d’Avaricum et d’Argentomagus, il faut imaginer un trafic intense de marchands, de colporteurs, de pèlerins, de paysans qui se rendaient à la ville, de soldats, d’administrateurs, et même de touristes déjà. »
« L’une des plus belles voies romaines de France »
Evidemment, le temps a altéré ces voies vieilles de deux millénaires, mais elles n’en demeurent pas moins ancrées dans le paysage. Certaines ont tout simplement été recouvertes par des routes modernes, validant la qualité de leur tracé, d’autres ne sont plus guère visibles à hauteur d’homme mais se distinguent parfaitement sur les vues aériennes. C’est notamment le cas pour certaines voies qui rayonnaient depuis Argentomagus : constituées de mâchefer et scories issus des forges de la cité, elles dessinent une traînée couleur rouille au milieu des champs. À Argenton, il est encore possible de fouler l’une de ces voies, aisément identifiable d’ailleurs puisqu’elle porte aujourd’hui encore le nom de Chemin de César et se situe, en outre, dans le prolongement des vestiges de l’ancien pont romain, dans le quartier Saint-Etienne.

Crédit : Long ruban marron, la voie d’Argentomagus à Châteaumeillant (Mediolanum) à la Brande, commune de Maillet – Bernard Mariat
Mais c’est à Mâron, à l’est de Châteauroux, dans l’Indre, que l’on peut arpenter, de l’aveu même de Gérard Coulon, « l’une des plus belles voies romaines de France. Un chemin de terre magnifique, de 7 à 8 mètres de large, bordé d’épine noire, qui surplombe les champs alentour de 2 mètres de haut à certains endroits. » On peut notamment suivre cette « Chaussée de César » qui reliait Argentomagus à Avaricum, sur les communes de Vouillon et Brives, dans l’Indre, ou encore à Saint-Ambroix dans le Cher.
Une borne milliaire au centre de la France
Ces chemins étaient initialement jalonnés de bornes milliaires qui indiquaient les distances aux voyageurs, en mille romain (1 481 m) ou lieue gauloise (2 222 m). Treize exactement ont à ce jour été découvertes en Berry. La plupart se trouvent dans des musées, notamment à celui de l’hospice Saint-Roch d’Issoudun et au musée du Berry, à Bourges. L’une d’elles est installée dans le village de Bruère-Allichamps, dans le sud du Cher, où elle sert désormais à symboliser le centre de la France. Belle reconversion pour cette borne qui, fait extrêmement rare, porte trois indications de distances, vers Bourges, Châteaumeillant et Néris (03).
Pour prolonger votre voyage touristico-historique dans le Berry gallo-romain, parcourez quelques lieues supplémentaires jusqu’au musée Emile-Chenon, à Châteaumeillant, où les fouilles archéologiques ont révélé des objets remarquables, à l’instar d’un exceptionnel lion en bronze de 3,6 kg trouvé au fond d’un ancien puits. Jusqu’au site de Drevant et son théâtre gallo-romain qui pouvait accueillir 5 000 personnes. Et bien sûr jusqu’au musée-site d’Argentomagus, installé sur les vestiges même d’une ancienne agglomération gallo-romaine. Le visiteur contemporain peut y déambuler parmi les vestiges de rues et de monuments de l’ancienne cité. En fermant les yeux, on entendrait presque des murmures en latin…
Gérard Coulon a publié un Guide des voies romaines de l’Indre, aux éditions La Bouinotte en 2017. Vous trouverez son site internet ici : gerardcoulon.chez-alice.fr
Crédit photo d’en-tête : La voie d’Argentomagus (Saint-Marcel/Argenton-sur-Creuse) à Avaricum (Bourges) sur la commune de Ségry. Cliché Heinz Dieter Finck.