À Aigurande dans l’Indre, Geert, Heidi et Joachim produisent des farines et des pâtes savoureuses et rares, élaborées à partir de céréales anciennes rigoureusement sélectionnées et cultivées. Parmi elles, l’épeautre, petite graine par laquelle tout a commencé…
À 50 km au sud de Châteauroux, aux portes de la Creuse, est nichée une ferme pas comme les autres. Entourée de bocages verdoyants au printemps et doré en été, elle est aujourd’hui un lieu de production qui a nécessité beaucoup d’engagement de la part de ses propriétaires, Geert, Heidi et Joachim Dhaenens.

Quitter la capitale bruxelloise pour la campagne berrichonne
Originaires des Flandres en Belgique, ils ont détenu une épicerie fine à Bruxelles durant 18 ans. « Comme je n’aimais pas la ville, confie Geert, j’avais l’espoir de pouvoir vivre et travailler un jour à la campagne ». A l’époque où ils travaillaient dans la capitale belge, ils étaient déjà « amoureux » de l’épeautre décrite par Hildegarde de Bingen. De son goût certes, mais avant tout de sa haute valeur nutritive, sa digestibilité et ses bienfaits multiples aujourd’hui reconnus par les spécialistes de la nutrition. En 2007, Geert et Heidi vendent alors leur boutique et réfléchissent à s’installer en France, leur destination préférée, pour y cultiver la précieuse graine. Ils ont alors écumé pas mal de terres agricoles…, plus d’une quarantaine aux quatre coins de l’Hexagone ! Et grâce à un agent immobilier spécialisé, le couple a déniché cette ferme de l’Indre basée au lieu-dit La Levade, dans laquelle leur projet verra le jour. « C’est ici que l’on va s’installer, je le sens », se souvient avoir dit Geert après avoir visité l’exploitation. Ils avaient enfin trouvé le lieu dans lequel leur rêve pourrait se concrétiser.


Il leur a fallu des mois, voire des années pour monter le projet, gérer toute la partie administrative, loger en gîte en arrivant et en attendant que la maison soit habitable, scolariser Joachim au lycée agricole de Châteauroux, apprendre le métier d’agriculteur et autre défi, celui de s’installer en agriculture biologique.
À la recherche de l’épeautre perdu…
Pour la famille Dhaenens, il n’était pas question de travailler avec de l’épeautre « croisé ». Geert explique en quoi leur culture était novatrice pour l’époque : « Cette céréale a été remise au goût du jour à la fin des années 70 en Wallonie, mais dans une version hybridée. Auparavant, la variété pure avait été abandonnée car très sensible à la verse (2) à cause de sa paille très haute. Au moment où nous nous sommes lancés, on ne trouvait donc quasiment que de l’épeautre croisé avec du blé (pour pallier ce défaut). Aujourd’hui, 99 % de l’épeautre présent dans les produits finis des supermarchés (farine, biscuits…) l’est encore ! Mais nous n’avons rien lâché et avons pu remettre au goût du jour de l’épeautre ancestral dans l’Indre, grâce à des semences trouvées en Bavière, berceau du renouveau de cette céréale ».

Il a fallu également adapter la méthode de récolte du grain, très particulière. Car si le blé classique est automatiquement et facilement décortiqué au fil du passage de la batteuse, ce n’est pas le cas du grain d’épeautre qui reste encore vêtu de son enveloppe coriace et piquante. L’épillet doit alors repasser dans une décortiqueuse. « Le prix au kilo de sa farine se justifie à cause de ce processus supplémentaire, de l’enveloppe qui représente 30 % du poids du grain entier ainsi que de son faible rendement », explique Joachim, aujourd’hui aux côtés de son père dans l’exploitation.
Des farines issues de céréales anciennes qui retrouvent leurs lettres de noblesse
Aujourd’hui, « Fleur de Berry » est une marque nationalement reconnue par les boulangers et les restaurateurs exigeants, à la recherche de farines moulues sur meule de pierre et goûteuses, dont les caractéristiques techniques les mettent au défi. Sur Instagram, on peut découvrir un florilège de belles réalisations via l’hashtag #fleurdeberry. Dompter ces farines et réussir à faire avec des pains bombés et aériens demandent savoir-faire et expérience. Aussi, pour la cuisinière lambda, elle peut prendre des cours de boulange avec Geert qui donne pendant l’hiver les clés de la réussite de son pain au levain. Ces farines typiques subliment également les gâteaux, les pâtes à tarte et les pâtisseries maison, sans oublier les gaufres et les crêpes qui offrent alors une délicieuse saveur de céréale qui évoque la campagne et l’enfance.


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